Le télétravail par Serge VERGLAS, Senior Advisor de MAESTRIUM

Tribune télétravail et le Management de Transition

Le télétravail en France s’est considérablement accéléré ces dernières années, surtout depuis la pandémie de Covid-19, en entrainant une généralisation du travail à distance pour limiter la propagation du virus. Le télétravail était déjà en place dans certaines organisations avant la pandémie, mais il était relativement limité et réservé à certains secteurs d’activité ou à des emplois spécifiques.

Avec plus de trois ans de recul, et une utilisation parfois anarchique, et au moment où certaines entreprises reviennent en arrière sur le sujet, il nous semble intéressant de faire un point sur ce sujet.

 

Cadre juridique

Le code du travail ne fixe aucun critère ou condition particulière pour déterminer la possibilité ou l’opportunité de mettre en œuvre le télétravail dans une entreprise au profit des salariés.

Pourtant, le télétravail en France est encadré par la loi, notamment par l’accord national interprofessionnel (ANI) sur le télétravail signé en décembre 2020. Cet accord fixe des règles pour le télétravail, telles que les droits des travailleurs, les modalités d’organisation et de contrôle du travail, la prise en charge des frais professionnels et la protection de la vie privée des travailleurs. Ainsi, depuis l’ANI du 9 décembre 2020 sur la santé au travail, la QVT est devenue la QVCT : on ne parle désormais plus de « qualité de vie au travail », mais de « qualité de vie et des conditions de travail »

Si un employeur a le droit de refuser le télétravail à un employé, et ce même si le télétravail est mis en place au sein de la structure, il a cependant l’obligation de motiver sa réponse.

À l’inverse, le refus d’accepter un poste de télétravailleur n’est pas un motif de rupture du contrat de travail.

 

Réalité du télétravail

En comparaison à 2017, la progression de la part du temps de travail réalisée en dehors du lieu de travail est fulgurante.

La pratique du télétravail au moins une fois par semaine a progressée de 1100% !

Et aujourd’hui près d’1 actif sur 4 déclare télétravailler au moins 2 jours par semaine.

Tout cela réuni : plus de 70% des actifs déclarent télétravailler en 2022 contre 10% en 2017… Soit une progression de 700% du télétravail en 5 ans !

Le télétravail n’est plus une exception, il est désormais hebdomadaire pour 6 actifs sur 10 (au moins une fois par semaine).

 

Opportunités

Pour les entreprises, le télétravail permet :

  • D’augmenter dans certains cas la productivité ;
  • De réduire les coûts en réalisant des économies d’échelle sur les locaux et les dépenses courantes par exemple ;
  • D’améliorer la qualité de vie des salariés au travail et, par conséquent, d’accroitre leur motivation et leur implication dans le projet d’entreprise ;
  • De faire baisser l’absentéisme.

Pour les salariés, les avantages du télétravail sont réels :

  • Des économies de temps passé dans les transports et une diminution des réunions inutiles et donc une meilleure gestion du temps de travail ;
  • Une plus grande autonomie dans la gestion et la hiérarchisation des tâches ;
  • Une meilleure concentration entrainant une meilleure productivité ;
  • Un meilleur équilibre vie personnelle-vie professionnelle.

L’explosion de l’utilisation du Télétravail a permis d’élargir les sujets de négociation tels que :

  • Les équipements et outils numériques ;
    • Le temps de travail et la charge de travail ;
    • Les fonctionnements collectifs ;
    • Les pratiques managériales ;
    • La prévention des risques professionnels.

Dans le cadre de la rédaction du DUERP (Document Unique d’Évaluation des Risques Professionnels), l’utilisation du télétravail a permis aussi de revoir l’adaptation du travail à l’homme, en tenant compte des différences individuelles, dans l’unique but de réduire les effets négatifs du travail sur la santé.

Enfin, le télétravail a-t-il un effet sur l’empreinte carbone ?

Depuis l’expansion du télétravail, des effets sont à noter sur l’émission de CO2.

Cette pratique permet d’éviter les circulations automobiles, puisqu’elle réduit les trajets domicile-travail-domicile, soit une réduction estimée de 10% des émissions de CO2 annuelles.

S’ils ne prennent pas leur voiture les télétravailleurs réguliers économisent en moyenne 159 heures de transport par an, une équivalence de près de 6 jours et demi.

En revanche, l’utilisation beaucoup plus fréquente des visioconférences a un effet négatif sur les émissions de CO2 qui restent à chiffrer.

 

Risques

Il n’est pas toujours évident de maintenir un lien avec ses collègues tout en étant chez soi, le télétravail prive en quelque sorte de l’informel. Le télétravail, est-ce une charge excessive ou psychique ?

Selon les résultats d’une étude de l’INSEE, les charges excessives et psychiques ne seraient pas en lien avec le fait de pratiquer le télétravail. Toutefois un point de vigilance est à observer lorsque l’intensité du télétravail dépasse 3 jours, ce sujet reste à approfondir.

D’après une autre enquête de l’INSEE réalisée sur les cadres et le télétravail en 2019, une alerte sur l’intensité et sur la santé mettait en évidence leur état de santé comme étant mauvais. Les cadres déclaraient avoir eu recours à un arrêt maladie lors durant l’année.

17% des télétravailleurs présentent un risque dépressif modéré ou sévère lorsqu’ils effectuent deux jours ou plus. D’après l’étude de l’IFOP pour l’observatoire Diot-Siaci, on parle de surcroît d’absentéisme lorsque le télétravail devient très intensif.

 

Conclusion

La recette unique d’organisation du travail à distance n’existe pas.

Chaque modèle organisationnel comporte des opportunités et des risques qu’il s’agit de prendre en compte, compenser, équilibrer…

Chaque organisation singulière doit trouver les régulations nécessaires à l’efficacité productive comme à la santé au travail (la QVCT). Une période « test » s’est offerte aux entreprises, avec une mise en pratique quasi systématique du télétravail. Le management a bénéficié d’un indispensable soutien pour lui permettre d’exercer sa pratique et lui donner des leviers pour résoudre cette nouvelle équation.

S’intéresser aux situations de travail des managers, s’interroger sur leurs moyens et marges de manœuvre, notamment autour de l’application du cadre du télétravail, favoriser les échanges de pratiques pour construire des repères professionnels communs entre eux…

Le 10 juin 2023, la DRH de GOOGLE USA a invité les salariés américains à revenir en arrière et à passer à un mode hybride de 3 jours par semaine au bureau. Est-ce la nouvelle équation qui sera la norme dans l’avenir ?

Autant de pistes à explorer dans l’avenir !

Par Laurent VERGLAS,
Senior Advisor de MAESTRIUM

Une réponse

  1. À intégrer dans cette réflexion sur le télétravail :
    – hausse de la durée du travail,
    – les avantages financiers pour les entreprises,
    – risque d’isolement professionnel,
    – manque de reconnaissance et de soutien de la part des supérieurs hiérarchiques,
    – démotivation du salarié en raison de son éloignement du collectif de travail.

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